Des partis doutent de la pertinence des ajouts suggérés sur l’ingérence étrangère

OTTAWA — Plusieurs partis politiques fédéraux expriment des réserves quant à la perspective de nouvelles règles visant à empêcher les ingérences étrangères de perturber le processus de nomination de leurs candidats.

Élections Canada a suggéré des changements possibles pour protéger les nominations, notamment en interdisant aux non-citoyens de participer au choix des candidats, en exigeant des partis qu’ils publient les règles du scrutin et en interdisant explicitement certains comportements, comme le fait de voter plus d’une fois.

Cependant, des représentants du Bloc québécois, du Parti vert et du NPD ont déclaré à une commission d’enquête fédérale sur l’ingérence étrangère que de tels changements pourraient être indésirables, difficiles à mettre en œuvre ou contre-productifs.

La Loi électorale du Canada prévoit actuellement une réglementation limitée des courses à l’investiture fédérale et des candidats.

Par exemple, seuls les candidats qui acceptent des contributions de 1000 $ ou engagent des dépenses de 1000 $ doivent produire un rapport financier. De plus, la loi ne prévoit pas d’obligations spécifiques concernant la candidature, le vote, le dépouillement ou la communication des résultats, à l’exception de l’identité du candidat élu.

Un rapport publié en juin par le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement exprimait des inquiétudes quant à la facilité avec laquelle des acteurs étrangers peuvent tirer profit des failles et des vulnérabilités du système pour soutenir des candidats favoris.

Les arguments des partis

Lucy Watson, directrice nationale du NPD, a déclaré jeudi à la commission d’enquête qu’elle s’inquiétait de la manière dont la nouvelle législation interagirait avec la prise de décision interne du parti.

«Nous sommes très fiers du fait que nos membres jouent un rôle aussi important dans l’élaboration des politiques, des procédures et de l’infrastructure internes du parti, je ne voudrais pas que cela disparaisse», a-t-elle indiqué.

«Il existe des lignes directrices, des pratiques exemplaires que nous accueillerions favorablement, mais si nous devions parler d’exigences juridiques et de législation, c’est quelque chose que je devrais prendre en compte et y réfléchir davantage, et aussi avoir des discussions avec des personnes qui font partie intégrante de la gouvernance du parti.»

Dans une entrevue accordée en août à la commission d’enquête, le directeur général du Bloc québécois, Mathieu Desquilbet, a déclaré que le parti s’opposerait à tout organisme externe chargé de surveiller les règles de nomination et de course à la direction.

Un résumé déposé jeudi indique que M. Desquilbet a exprimé des doutes quant à la pertinence d’exiger des candidats à l’investiture qu’ils déposent un rapport financier complet auprès d’Élections Canada, affirmant que le cadre réglementaire existant de l’agence et les règles internes du Bloc sur la question sont suffisants.

Les représentants du Parti vert Jon Irwin et Robin Marty ont déclaré lors d’une entrevue en août qu’il ne serait pas réaliste qu’un organisme externe, comme Élections Canada, administre les courses à l’investiture ou à la direction, car les ressources requises dépasseraient la capacité de l’agence fédérale.

Un résumé de l’entrevue indique que MM. Irwin et Marty «ne croyaient pas non plus que les violations des règles puissent faire l’objet d’une enquête efficace par un organisme externe comme le Bureau du commissaire aux élections fédérales».

«Les types de plaintes qui sont soulevées lors des courses à l’investiture peuvent être très personnels, motivés par des considérations politiques et pourraient submerger un organisme externe».

M. Marty, directeur national de campagne du parti, a déclaré à l’enquête jeudi que des exigences de déclaration plus strictes imposeraient également un fardeau administratif aux bénévoles et aux employés de circonscription.

En outre, il a affirmé que la divulgation du décompte des voix lors d’une course à l’investiture pourrait en fait aider les ingérences étrangères en signalant le nombre précis de bulletins nécessaires pour qu’un candidat soit choisi.

M. Irwin, directeur général par intérim des Verts, a déclaré que la tactique idéale pour un pays étranger serait de travailler pour placer quelqu’un dans une «position de pouvoir» au sein d’un parti politique canadien.

Il a déclaré que «les mauvaises personnes ont toujours une longueur d’avance» lorsqu’il s’agit d’interférer dans le processus politique canadien.

En mai, David Vigneault, directeur du Service canadien du renseignement de sécurité à l’époque, a déclaré qu’il était très clair, d’après la conception de l’application de médias sociaux populaire TikTok, que les données recueillies auprès de ses utilisateurs sont à la disposition du gouvernement chinois.

Une note du SCRS de décembre 2022 déposée lors de l’enquête jeudi indiquait que TikTok a le potentiel d’être exploité par Pékin pour renforcer son influence et son pouvoir à l’étranger, y compris au Canada.

Interrogée au sujet de l’application, M. Marty a déclaré que les Verts bénéficieraient de «davantage de directives et d’encadrement», étant donné le manque de ressources du parti pour traiter de telles questions.

Des représentants des partis libéral et conservateur doivent comparaître devant l’enquête vendredi, tandis que le directeur général des élections, Stéphane Perrault, doit témoigner à une date ultérieure.

Après la comparution des représentants de son parti jeudi, la cheffe des Verts, Elizabeth May, a déclaré aux journalistes qu’il était important que tous les chefs de parti travaillent ensemble pour élaborer des règles acceptables.