Des fêtes nationales en péril?
FÊTE NATIONALE. Les célébrations de la Saint-Jean-Baptiste s’amorcent dans quelques heures un peu partout dans la région. Derrière le travail de centaines de bénévoles toutefois, un vent d’inquiétude gronde quant au futur des activités. Et les alertes lancées sur la scène nationale au cours des derniers jours résonnent jusqu’ici, a constaté Journal Le Guide.
Les nombreuses fêtes de cette année réussissent tant bien que mal à absorber les contrecoups d’une baisse des budgets de 300 000 $ qui affecte les 20 régions de la province. Si les grilles d’activités ne semblent pas avoir souffert, plusieurs craignent toutefois que le ciel bleu tourne au gris pour l’an prochain. «Les gens du Mouvement national des Québécoises et Québécois (MNQ) ont puisé dans les surplus cette année. En 2016, il n’y en aura plus, mais la coupure de 300 000 $ y sera toujours. Ça va faire mal aux plus petits projets, on amputera presque le quart de leur budget, constate Jean-Yves Langlois, coordonnateur à la Société Saint-Jean-Baptiste (SSJB) Richelieu-Yamaska. Nous n’avons aucune garantie à savoir s’il y aura d’autres coupures.»
Les repas servis et les crépitements des nombreux feux de joie reposent souvent sur une imposante logistique. «Les activités sont gratuites, mais il faut payer nos professionnels, nos artistes, notre matériel. Il y a des frais minimums à débourser. Certes, le privé contribue, mais pas à la même hauteur que le public. On demande que le Québec, peu importe le gouvernement, accepte de donner 0,50 $ par habitant», soutient Luc Perron, le président de la SSJB Richelieu-Yamaska.
Les déclarations du premier ministre Couillard, qui révélait que le climat d’austérité était loin de se dissiper, n’ont rien fait pour rassurer les responsables de la région quant aux programmations des prochaines années. «Il faut craindre énormément. Le gouvernement ne considère pas la Saint-Jean-Baptiste de la même façon que nous la percevons. Les Québécois, nous aimons fêter. Il faut faire en sorte qu’au-delà de la fête nationale, qui remonte tout de même à 1834, on continue de forger notre culture québécoise», avance Luc Perron. Ce dernier rapporte que le budget provincial consacré cette année à la Saint-Jean-Baptiste a été ramené au niveau de 2008.
Un montant maximum de 5000 $ peut être alloué aux rassemblements de la région, sauf pour celles désignées comme «fête régionale», comme c’est le cas à Granby. L’enveloppe totale accordée est alors bonifiée, et peut atteindre entre 14 000 $ et 15 000 $. Une somme d’environ 55 000 $ est attribuée à l’ensemble des fêtes de la région.
Un congé avant tout?
Si le moment est propice à une pause pour plusieurs Québécois, les parcs du coin regorgent d’activités. Bien qu’il soit difficile de quantifier le flot de participants au fil des ans, ceux-ci affluent en nombre constant, estime Jean-Yves Langlois, coordonnateur à la Société Saint-Jean-Baptiste Richelieu-Yamaska.
Mais les fêtes prennent aujourd’hui une tout autre tournure qu’à une certaine époque. Le public qui prend part aux activités se diversifie. «C’est devenu quelque chose de familial. À preuve les ventes de bières sont en chute libre, fait savoir le coordonnateur. On est loin de l’image de la grosse beuverie, d’une clientèle plus tapageuse. Ça devient comme une fête de famille. Donc pas nécessairement moins de monde, mais un public différent.»
Des activités à saveur familiale… et apolitique
Une chose est certaine: si les célébrations rejoignent désormais davantage les petites familles, elles s’efforcent à demeurer neutres, d’évacuer toute saveur politique. «On déploie beaucoup d’efforts pour que ce soit une fête apolitique», fait remarquer Jean-Yves Langlois. «Peu importe nos allégeances politiques, il faut faire en sorte que les gens puissent célébrer. Ce n’est pas partisan», laisse de son côté entendre Luc Perron.
Fête locale
Un groupe de huit citoyens bénévoles décidait l’an dernier de faire renaître les célébrations de la Saint-Jean-Baptiste à Lac-Brome. Devant le succès obtenu malgré la pluie, le comité récidive cette année et étale sa programmation sur deux jours.
«Nous ne ressentons pas les coupes cette année, nous avons pu avoir le montant que nous souhaitions, mais on nous a bien avertis que l’an prochain ce serait bien différent, relate Nicole Goyette, une des organisatrices. C’est plutôt inquiétant, on considère que cette journée nous permet de célébrer les Québécois, c’est une des raisons pour lesquelles nous avons ramené la fête à Lac-Brome.»
Une chute éventuelle de la contribution de la SSJB, qui se chiffre cette année à 2500 $, viendrait affecter les festivités. «Les commanditaires de la communauté sont très généreux, mais cette année, il y a eu une petite baisse de ce côté. Si la SSJB, notre deuxième partenaire en importance, ne nous aide pas autant, ça compromet énormément notre programmation.»
La Ville de Lac-Brome demeure la source principale d’aide de l’événement qui se déroule sur deux jours, grâce à une enveloppe de 7000 $, en hausse de 2000 $ par rapport à l’an dernier.
Ce qu’ils/qu’elles ont dit…
Nicole Goyette, du comité organisateur de la Fête nationale à Lac-Brome
«Oui, les gens ont encore tendance à associer cette fête à la souveraineté du Québec, mais on travaille à défaire ces idées préconçues. Notre Saint-Jean est avant tout festive.»
«On veut que ce soit rassembleur, on veut être inclusif et respecter les deux communautés linguistiques. On veut rejoindre tout le monde.»
Luc Perron, président de la SSJB Richelieu-Yamaska
«Ce qui est le plus à craindre, c’est que c’est une fête qui mobilise des milliers de personnes. C’est une fête citoyenne qui doit demeurer publique et non pas devenir à la remorque du privé.»
Jean-Yves Langlois, coordonnateur à la SSJB Richelieu-Yamaska
«Nous sommes pas mal inquiets, à savoir si les prochaines fêtes auront la même ampleur.»