Équité: Lac-Brome en retard
Plus de dix ans après la mise en place de la Commission de l’équité salariale qui vise à donner aux femmes un traitement professionnel équitable, la Ville de Lac-Brome n’a adopté aucune règlementation à ce sujet, contrevenant ainsi à la Loi. Une situation décriée par le citoyen Michel Beaudoin. Le maire Gilles Decelles, qui montre du doigt l’ancienne administration municipale, compte s’y attaquer cet automne.
En 1998, l’Assemblée nationale a adopté une Loi forçant les employeurs à mettre en place un programme d’équité salariale. Le but? Que les femmes reçoivent un traitement salarial équitable par rapport à ce qui est octroyé à la gent masculine.
Même si cette notion «d’équité» est incontournable pour plusieurs employeurs, certains tardent à faire les ajustements nécessaires pour se conformer à la règlementation. C’est notamment le cas de la Ville de Lac-Brome, ce qui est loin de faire l’affaire du citoyen Michel Beaudoin.
Ce résident de Lac-Brome montre du doigt la gestion de la Ville, puisque celle-ci n’a toujours pas pris le dossier en main, malgré des outils fournis.
«La Commission sur l’équité salariale offre gratuitement, aux entreprises de moins de 50 employés, de l’aide et un progiciel pour que les employeurs fassent un programme d’équité salariale et que ceci se fasse sans consultant. Le maire Gilles Decelles m’a avoué être au courant qu’aucune loi n’a encore été adoptée à ce sujet. Ça ne semble pas être dans leurs priorités», croit Michel Beaudoin.
Or, ce retard n’est pas sans conséquence.
Une entreprise fautive peut être sévèrement sanctionnée et se retrouver dans l’obligation de verser des ajustements salariaux en date de 2001, des intérêts à un taux plus élevé et même, une indemnité additionnelle et des amendes selon la taille de l’organisation.
«Ça, ça veut dire que la Ville de Lac-Brome se retrouverait avec un important montant à payer. La loi veut aussi que si l’employeur agit par mauvaise foi et s’il y a négligence grave, elle prévoit des amendes qui peuvent varier entre 1 000$ et 15 000$», indique M. Beaudoin. Ce dernier a communiqué avec la Commission afin de porter plainte, mais en vain. «Seuls les employés en poste ou qui ont travaillé pour l’employeur au cours des dernières années peuvent déposer une plainte», ajoute M. Beaudoin qui déplore cette situation.
Une situation connue des employés
La Commission peut agir de deux façons si un employeur omet d’adopter la Loi sur l’équité salariale. «Elle peut intervenir à la suite d’une vérification qui se fait de façon aléatoire ou après avoir reçu une plainte de la part d’un salarié. La plainte peut être faite pour plusieurs motifs, que ce soit pour la non-réalisation ou la non-conformité de la Loi ou encore si l’employeur fait signe de mauvaise foi par exemple», indique Geneviève Roberge, responsable des relations avec les médias à la Commission de l’équité salariale.
«Toute plainte est traitée de façon confidentielle. On s’assure que les droits des travailleurs sont respectés et que l’exercice fait au sein de l’entreprise est réalisé sérieusement. Nous encourageons les personnes salariées à porter plainte si elles jugent que leurs droits sont brimés», ajoute Mme Roberge.
Aux dires des employés engagés par la municipalité, cette lacune ne semble pas être au cœur des discussions. Selon un membre du personnel municipal, le climat politique aurait un impact sur les motivations et la liberté d’expression des employés.
«J’ai pris connaissance de la situation après en avoir entendu parler à travers les branches. Du reste, ça ne se parle pas beaucoup. Il faut dire que le climat est délicat ici, depuis quelque temps. Je crois tout de même que le programme d’équité salariale n’est pas dans leurs priorités», indique une employée de la Ville de Lac-Brome qui a préféré garder l’anonymat.
Cette dernière souhaite prendre connaissance des articles au sujet de la Loi avant de poser un geste quelconque. «Je réfléchis à ça. Je sais que c’est dans notre droit, mais je souhaite tout d’abord connaître mes droits», ajoute-t-elle.
Une priorité au sein du conseil
Questionné à ce sujet, le maire de la Ville de Lac-Brome, Gilles Decelles, a avoué qu’aucun règlement n’a encore été adopté à Lac-Brome en ce qui à trait non seulement à la Loi sur l’équité salariale, mais également celle traitant de la santé et de la sécurité au travail.
«Ceci n’a pas encore été fait à cause de l’administration précédente à Lac-Brome. Aussitôt que la situation avec le directeur général sera réglée, un règlement pour l’«équité salariale» et une pour la «Santé et sécurité au travail» seront adoptés. Ce sera une priorité. Je prévois régler ce dossier d’ici la fin septembre», assure M. Decelles.
Ce dernier croit que si le programme indique qu’un montant supplémentaire devra être versé aux employées touchées, la somme ne sera pas assez faramineuse pour affecter le budget annuel de la ville.
«Ceci étant dit, question «équité», je ne crois pas qu’il y ait de problème à la ville, mais il faut tout de même que ça se fasse pour satisfaire les obligations de la Loi», ajoute le maire Decelles.
Les municipalités se conforment
D’autres municipalités et organismes de la région n’ont pas eu d’autres choix que de se conformer à cette règlementation. Or, toutes les villes ne sont pas obligées d’apporter les ajustements puisqu’elles s’appliquent seulement aux entreprises rémunérant dix personnes et plus.
À Cowansville, cette règlementation a été adoptée il y a près de huit ans. Le maire et préfet de la MRC de Brome-Missisquoi, Arthur Fauteux, assure que la municipalité de Cowansville, ainsi que le CLD et la MRC de Brome-Missiquoi travaillent pour que la loi soit appliquée et maintenue.
La Ville de Bromont a également adopté un projet de loi relatif à l’équité salariale il y a quelques années. «C’est bien évident que ceci doit être fait. Cet exercice rétablit les salaires en fonction des tâches. Nous avons réévalué les fonctions et fait les ajustements. La Ville de Bromont s’était donné quelques années pour payer la somme pour ne pas affecter le budget», précise Pauline Quinlan, mairesse de la Ville de Bromont.
L’équité salariale en bref
En 1998, l’Assemblée nationale a adopté une Loi forçant les employeurs à mettre en place un programme d’équité salariale. Cette mesure vise à s’assurer que les femmes reçoivent un traitement salarial équitable, par rapport à ce qui est octroyé aux hommes. Toutes entreprises, dont les municipalités, comptant plus de dix salariés sont dans l’obligation de s’y soumettre.
L’«équité salariale» se distingue de l’«égalité salariale» puisqu’elle ne compare pas deux emplois du même genre. Le programme d’équité salariale comprend, entre autres, l’identification des catégories d’emplois à prédominances féminines et masculines, l’évaluation des catégories d’emplois, l’estimation des écarts sociaux ainsi que le calcul des ajustements salariaux. L’employeur doit prévoir les modalités de versements selon les ajustements.
Après l’imposition de cette nouvelle Loi, en 2001, tous les employeurs devaient avoir fait les démarches afin de mettre le programme en place au plus tard le 31 décembre 2010.
Avant cette date butoir, la Commission accordait un étalement des montants à débourser sur une période de quatre ans. Ce délai permettait aux entreprises de défrayer les sommes dues progressivement. Or, depuis le 31 décembre 2010, les employeurs doivent payer le montant en un seul versement, à moins d’obtenir une autorisation spéciale de la Commission.