Le « chaucidou » fait jaser à Bromont
CIRCULATION. Bromont deviendra la toute première ville dans la province à avoir un « chaucidou » sur son territoire, avec le début du projet pilote qui devrait être implanté en août sur le chemin de Lotbinière. Le projet sera d’une durée d’un an.
Le « chaucidou », utilisé dans plusieurs pays en Europe, à quelques endroits aux États-Unis ainsi qu’à Ottawa, est une route avec une voie centrale bidirectionnelle réservée aux véhicules et deux larges accotements dédiés aux cyclistes et aux automobilistes.
Lorsque deux automobiles circulant en sens inverse se croisent, ils devront de manière sécuritaire empiéter sur les accotements, délimités par des lignes pointillées, avant de poursuivre leur route.
L’idée d’instaurer un « chaucidou » sur le chemin de Lotbinière a pris naissance à la suite d’une demande des citoyens du quartier d’y réduire la vitesse, avant même la dernière élection municipale, relate le maire de Bromont, Louis Villeneuve.
« Les ingénieurs à qui on a demandé des recommandations avant de prendre cette décision-là nous disaient à l’époque de laisser ça à 70 km/h parce que juste mettre des pancartes de 50 km/h créerait un faux sentiment de sécurité, ce qui aurait été dangereux pour les citoyens, rapporte-t-il. De là, on est allés à la table à dessin pour trouver des solutions pour diminuer la vitesse. »
La Ville s’est donc penchée sur quelques mesures de mitigation qui auraient pu aider à réduire la vitesse dans le secteur, mais les options proposées étaient beaucoup trop coûteuses aux yeux du maire.
« On parle de l’une à 5 M$ et l’autre, à 1,4 M$, indique-t-il. Pour une taxe de secteur à 177 résidences, c’est beaucoup trop. On s’est donc dit qu’on allait voir ce qui se fait ailleurs dans le monde qui pourrait nous amener à réduire cette vitesse-là et c’est là que le » chaucidou » est arrivé. »
Financièrement, la Ville devra débourser environ 20 000 $ pour le « chaucidou ».
« CHAUCIDOU »
La Ville a présenté des résultats d’études, faites sur des « chaucidous » aux Pays-Bas et à Ottawa, où les statistiques concernant les collisions et la distance entre les véhicules et les autres usagers de la route sont encourageantes.
Aux Pays-Bas, dans une étude de la Fondation pour la recherche scientifique sur la sécurité routière (SWOV en néerlandais), trois constats sont tirés. Les accidents graves sont réduits de 20 % de manière générale et de 50 % aux intersections.
Les lignes pointillées permettraient également elles-mêmes la réduction de la vitesse en donnant une indication supplémentaire au conducteur.
La distance entre les véhicules et les autres utilisateurs serait aussi augmentée lors de dépassements, un constat partagé par l’étude menée du côté d’Ottawa.
Quelques critères doivent cependant être respectés pour implanter un « chaucidou ».
« Il faut avoir un faible débit de véhicules motorisés, soit un débit journalier moyen de véhicules en bas de 3000, explique le chargé de projets à la Ville, Marc-Alexandre Drolet. Avec le secteur de Lotbinière, on parle de 500 véhicules/jour. On vise aussi des critères de largeur de voie, soit qu’elle soit minimalement de six mètres, ce qui est le cas pour Lotbinière. »
Le « chaucidou » ne sera implanté que sur une ligne droite, entre la courbe près de l’intersection avec la route 241 et la rue de Sheffington.
« Étant donné qu’on vient changer un comportement, c’est une nouvelle approche, on vise le secteur longitudinal pour que les gens se familiarisent avec la façon de faire sur un tronçon plus facile », explique M. Drolet.
La Ville compare par ailleurs le « chaucidou » à la conduite d’un automobiliste sur une chaussée enneigée, une route de gravier, une rue résidentielle ou encore lorsqu’il respecte le corridor de sécurité.
« On va avoir tendance à se tenir au centre et à se déporter de chaque côté quand on va croiser un autre véhicule, soutient M. Drolet. C’est la même chose, mais ici, on va le faire en tout temps avec des voies partagées pour les autres utilisateurs. »
INQUIÉTUDES
Lorsque le projet a commencé à circuler, des citoyens ont soulevé des inquiétudes quant à la sécurité sur les réseaux sociaux.
Le maire de Bromont indique comprendre les questionnements des résidents, mais tient à se faire rassurant.
« La première fois que j’ai vu ça, le » chaucidou », en mettant des lignes de chaque côté, j’ai eu la même réaction que certains citoyens, affirme-t-il. Je me demandais si c’était sécuritaire, c’est la première question que tu te poses. On n’est pas habitués à ça, ici. Les changements, on est réfractaires souvent parce que ce qu’on ne connaît pas peut nous faire peur. »
« Quand on poursuit la lecture du dossier, qu’on apprend que ça se fait ailleurs, que des études ont été faites, on se dit qu’il doit y avoir quelque chose de bien ici », ajoute-t-il.
La Ville sera accompagnée par des experts de différents domaines et organisations, soit la firme EXP, l’organisme Vivre en ville, Polytechnique ainsi que l’Université de Sherbrooke, pour documenter les résultats.
« Les statistiques que nous aurons à la fin du projet, ce seront des résultats vérifiés, déclare le maire. Si on décide d’aller de l’avant, on sera certain de notre coup. Si ce projet-là est avéré et qu’on voit que les résultats nous satisfont, on va implanter ça ailleurs dans la ville de Bromont. Ce qu’on veut ici, c’est redonner la rue aux citoyens. On prône le transport actif. Avec ce type de mesures là, qui n’est pas dispendieux, on pourrait arriver à faire en sorte que les gens se réapproprient certaines rues à Bromont. »