Quand nos aînés commettent l’irréparable…
SUICIDE. Chaque année au Québec, en moyenne 140 personnes de 65 ans et plus s’enlèvent la vie. En Haute-Yamaska et dans Brome-Missisquoi, trois aînés se sont suicidés en 2012, ce qui représente 13,6 % de l’ensemble des 22 suicides répertoriés, selon les plus récentes statistiques disponibles. Mais ces chiffrent pourraient n’être que la pointe de l’iceberg.
D’après les données confirmées par le Bureau du coroner, chargé d’enquêter sur les décès, dont les suicides, 22 personnes se sont enlevé la vie en 2012 en Haute-Yamaska (15) et dans Brome-Missisquoi (7). De ce nombre, sept d’entre elles étaient âgées de 60 ans et plus et trois avaient plus de 65 ans lorsqu’elles ont commis l’irréparable. Parmi les victimes, il y avait même une personne âgée de 80 ans. «C’est une bonne proportion», concède Claudie Lessard, responsable des services à la communauté au Centre de prévention suicide (CPS) de la Haute-Yamaska.
Si ces chiffrent parlent d’eux-mêmes, ils peuvent également s’avérer être incomplets. Le Bureau du coroner enquête lorsqu’un décès est survenu dans des circonstances violentes (accident, suicide, homicide) ou lorsque la cause du décès et/ou encore l’identité du défunt sont inconnues. Le suicide d’une personne âgée peut-il passer pour un «simple» décès? La réponse est oui. «Il peut y avoir des zones grises dans les conclusions. Quand le coroner a un doute, il va loin dans les nuances pour poser un bon diagnostic. On a la chance au Québec d’avoir de bons coroners», explique Mme Lessard.
Malgré leurs habiletés, le pouvoir des coroners peut être limité. «Si une personne a arrêté son traitement médicamenteux, il est facile pour la famille, dans la honte, de garder cette information [ce qui va avoir une incidence sur la conclusion du coroner]. Quand c’est un ado de 15 ans en bonne santé versus un aîné malade qui décède dans son sommeil, c’est beaucoup plus facile de laisser passer le suicide d’un aîné», enchaîne Claudie Lessard.
15 000 idées suicidaires
La question du suicide chez les aînés est travaillée par le CPS de la Haute-Yamaska depuis environ cinq ans, et est aussi une priorité à l’échelle provinciale. En 2014, l’Association québécoise de prévention du suicide (AQPS) a produit un document de 60 pages sur la prévention du suicide des aînés au Québec. Dans ce rapport portant sur cet épineux sujet, on dénombre annuellement 140 décès associés au suicide chez les aînés de 65 ans et plus. Chaque année, «au moins 15 000 aînés québécois auraient des idées suicidaires sérieuses et quelque 1 200 d’entre eux feraient une tentative de suicide», lit-on dans l’écrit. Le suicide touche près de quatre fois plus d’hommes âgés que de femmes. Il n’y a malheureusement pas de données ventilées par région.
«On a maintenant un meilleur profil des aînés et on base nos actions à partir de ce document», note Claudie Lessard. «Une des choses dites dans ce rapport, c’est que du moment où l’aîné devient vulnérable, il est difficile à rejoindre parce qu’il est isolé», ajoute Mme Lessard.
Sentinelles
Sachant cela, le CPS a misé sur la formation de sentinelles actives dans le milieu des aînés. Ces sentinelles sont formées pour déceler les signes suicidaires, établir un contact avec la personne en détresse et être son lien avec les ressources d’aide. Au cours des trois dernières années, 40 sentinelles aînées ont été formées dans la région et elles se retrouvent notamment dans les Centres d’action bénévole, les résidences pour personnes âgées et dans les différentes associations. «Nos 40 sentinelles font du référencement d’aînés, ce qu’on n’avait pas avant. On a donc plus de contacts avec les aînés, mais on n’a pas de chiffres», conclut l’intervenante.
Différents d’intervenir avec un aîné?
L’intervention avec un adolescent de 15 ans sera totalement différente de celle d’un aîné. «Avec les ados, on doit trouver quelque chose qui a un impact rapidement sur sa vie», indique Claudie Lessard, responsable des services à la communauté au Centre de prévention suicide (CPS) de la Haute-Yamaska.
En contrepartie, elle souligne que les aînés ont peut-être moins d’années devant, mais bénéficie d’un long vécu. «Ils ont appris à traverser des épreuves. Ils ont donc des outils. Même s’ils ont une maladie dégénérative et qu’ils sont de plus en plus seuls, ils ont encore plein d’acquis. On doit donc leur trouver un rôle. Est-ce auprès de leurs petits-enfants? Il faut trouver un rôle agréable à ce qui leur reste. Et une fois qu’on a un lien, on peut le faire», mentionne Mme Lessard en rappelant l’importance de demander de l’aide.
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