Une éleveuse pas comme les autres

AGRICULTURE. Caroline Porlier, native de Rougemont, a fait un choix audacieux en quittant une carrière de deux décennies à la Société des alcools du Québec pour se consacrer à sa passion : l’agriculture. Aujourd’hui, cette passion prend vie au Domaine Muscadine, une entreprise agroalimentaire et agrotouristique située dans les paisibles chemins de campagne de Bromont.

C’est dans les chemins de campagne de Bromont que se niche le Domaine Muscadine, une terre agricole de 93 acres autrefois abandonnée, mais qui est aujourd’hui le terrain de jeux de plusieurs animaux, dont des bisons, des bœufs highland et les fameux wapitis. « On venait du milieu agricole, alors on voulait se partir quelque chose dans cette optique. On veut redonner et on est fiers de participer à nourrir notre communauté », explique-t-elle avec une sincérité touchante.

Le choix du wapiti n’était pas anodin. Caroline Porlier voulait offrir une viande noble, différente, qui séduirait les papilles tout en répondant aux exigences d’une alimentation saine et équilibrée. Avec un troupeau de 75 wapitis et une trentaine de faons en route pour ce printemps, le Domaine Muscadine est devenu une référence en matière d’élevage respectueux et durable.

Pour l’agricultrice bromontoise, l’élevage du wapiti représente un défi à plusieurs niveaux, notamment car le wapiti est considéré comme un animal exotique, ayant gardé son instinct sauvage, ce qui rend le contact avec cet animal laborieux. Cependant, cet élevage est aussi une opportunité pour la passionnée de concilier ses valeurs environnementales avec son projet agricole.

En effet, le wapiti, en plus d’être une viande réputée de qualité, génère trois fois moins de pollution que le bœuf, en plus de revêtir également une dimension agrotouristique. « On est dans une zone très agrotouristique avec nos différents voisins producteurs, alors on voulait quelque chose qui allait dans ce sens. Le wapiti est un animal assez impressionnant, avec ses grands panaches notamment, ça attire le regard », mentionne l’agricultrice de 43 ans.

Retour aux études

Après avoir fraîchement acquis le terrain, Caroline a décidé de se spécialiser dans la transformation de la viande, retournant même sur les bancs de l’école pour obtenir une formation en boucherie au Campus Brome-Missisquoi. « C’était important pour moi de devenir une artisane compétente, parce que je ne voulais pas faire les choses à moitié », souligne-t-elle avec conviction.

« Ç’a été un peu déstabilisant pour moi », confie l’éleveuse. « Je suis retournée aux études à la fin de ma trentaine, j’étais dans un milieu avec beaucoup d’adolescents, donc ce n’était pas évident de se retrouver dans un milieu scolaire (…) et on ne se le cachera pas, la boucherie est un milieu très masculin, donc il faut apprendre à faire sa place, et c’est toujours intimidant de se retrouver là ».

Pour Caroline, embrasser la profession de bouchère était une suite naturelle de son parcours. Aujourd’hui, elle aspire à devenir une ambassadrice pour toutes les femmes qui osent suivre leur passion et se lancer dans des domaines traditionnellement dominés par les hommes. « C’est un métier qui est non traditionnel, c’est sûr, mais ça ne veut pas dire qu’on n’est pas capable de bien le faire. Les femmes ont souvent la qualité d’être un peu plus méticuleuses, mais au niveau de la force physique, je le vois que c’est un peu plus compliqué pour moi, surtout pour décrocher des carcasses. Mais je m’adapte en me trouvant des méthodes de travail », fait savoir celle qui participe à toutes les étapes de l’entreprise, de la naissance des wapitis jusqu’à la mise en marché des produits.

« On veut aider à éduquer les gens sur la réalité des agriculteurs et producteurs »

– Caroline Porlier

Développer l’agrotourisme

Aujourd’hui, le Domaine Muscadine ne se contente pas d’être une exploitation agricole. Caroline et son compagnon ont ouvert un centre d’interprétation des grands cervidés à même la ferme, offrant aux visiteurs une immersion dans l’univers fascinant des cervidés, tout en sensibilisant le public à l’importance de connaître l’origine de sa viande. « Il y a encore du travail à faire, mais nous avons déjà reçu nos premiers groupes scolaires, et on leur fait découvrir tout cet univers, en leur proposant des dégustations notamment », précise l’agricultrice et mère de famille.

« On veut aider à éduquer les gens sur la réalité des agriculteurs et producteurs, parce qu’il y en a beaucoup qui achètent de la viande à l’épicerie sans savoir nécessairement d’où ça vient », ajoute celle qui encourage les producteurs locaux, notamment lorsqu’il s’agit d’avoir des ingrédients locaux pour développer les produits transformés, comme ses fameuses saucisses.

Pour développer davantage l’agrotourisme, le Domaine Muscadine a également fait l’acquisition d’un bison blanc, animal extrêmement rare qui représente une naissance sur 10 millions selon la National Bison Association. « L’été quand il fait beau, on organise aussi des visites guidées le week-end et on leur montre les animaux, les gens sont très curieux et posent beaucoup de questions. J’aime beaucoup partager avec ma clientèle, c’est une partie importante de mon travail », indique la copropriétaire du domaine.

Par ailleurs, son dévouement envers sa communauté et son engagement en faveur d’une agriculture responsable ont été salués par l’Union des producteurs agricoles, qui lui a décerné le titre d’Agricultrice Inspirante en 2023. Prochainement, elle représentera fièrement sa région à Rivière-du-Loup, portant haut les couleurs de l’agriculture québécoise.