La faune du Québec de plus en plus en danger
Alors que la faune du Québec est plus que jamais menacée, de nombreux spécialistes estiment que les efforts accordés à leur protection diminuent. Portrait de la biodiversité québécoise.
D’année en année, le nombre d’espèces animales désignées par le gouvernement du Québec comme étant menacées ou vulnérables* ne cesse d’augmenter. En 2015, 38 animaux différents figurent sur la liste, alors qu’il y en avait 25 en 2005 et 8 en 2000. De plus, 115 espèces sont susceptibles d’être prochainement désignées menacées ou vulnérables.
«Leur nombre va continuer d’augmenter avec les pertes d’habitats», prédit Isabelle Gauthier, biologiste et coordonnatrice provinciale pour les espèces menacées et vulnérables au ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP).
Selon les données compilées par TC Media, la population de la moitié des espèces menacées ou vulnérables est en déclin. Quatre espèces amorcent une croissance et trois sont stables, mais restent désignées en raison de la faible taille de leur population et des menaces qui planent sur eux. Pour les autres, la progression de leur population n’est pas clairement définie.
La plus grande menace: les humains
Après avoir épluché les rapports du ministère sur les 38 espèces concernées, TC Média a constaté que la dégradation de leur habitat en raison d’activités humaines est la menace la plus courante. L’urbanisation, la pollution, l’exploitation forestière, les pratiques agricoles, la construction de barrages, les pesticides et les activités industrielles sont fréquemment mentionnés.
«Présentement, l’environnement est toujours mis à l’écart. Il est considéré comme un luxe à notre société. Les différents paliers du gouvernement, tant au niveau fédéral, provincial que municipal, n’agissent malheureusement pas toujours nécessairement en considérant l’environnement», a commenté Yong Lang, biologiste au Regroupement QuébecOiseaux, qui œuvre au recensement à la conservation des oiseaux au Québec.
Les équipes de rétablissement affectées par «l’austérité»
Quatorze équipes pilotées par le MFFP existent officiellement pour aider le rétablissement de 29 espèces animales, soit celles relevant de la compétence du gouvernement provincial. Leur rôle est de rédiger des plans déterminant les actions à prendre pour améliorer leurs chances de survie. Pour leur mises en œuvre, le ministère travaille en partenariat avec les municipalités et diverses organisations.
Les activités des équipes de rétablissement sont toutefois suspendues de façon temporaire depuis octobre dernier, le MFFP désirant réduire ses dépenses de fonctionnement jusqu’à la fin de l’année budgétaire en cours.
«En somme, les perturbations continuent pour les espèces en péril, mais on met en pause tous nos efforts pour les protéger», a déploré Sophie Gallais, chargée de projet chez Nature Québec.
L’avenir des plans de rétablissement menacé?
«Déjà, les plans de rétablissement étaient peu appliqués. Là, on a peur qu’ils soient abandonnés. C’est une détérioration de la situation», a dénoncé Philippe Blais, président du Conseil régional de l’environnement de la Montérégie.
Le ministère a indiqué que les rencontres devraient reprendre le 1er avril. Plusieurs membres externes de ces équipes ont toutefois peur que ce ne soit pas le cas, n’ayant pas reçu de confirmation en ce sens. Par ailleurs, TC Média s’est fait refuser des entrevues avec certains coordonnateurs d’équipes de rétablissement.
De nombreux spécialistes s’inquiètent également des coupes de postes dédiés à la protection de la faune qui ont eu lieu dans la dernière année au ministère. «Je connais beaucoup de personnes qui ont perdu leur emploi relié à la protection de la faune et d’autres qui ont pris une retraite anticipée», a témoigné Tommy Montpetit, chargé de projet au Centre d’information sur l’environnement de Longueuil et membre de l’équipe de rétablissement de la rainette faux-grillon. Le MFFP a pour sa part refusé de confirmer l’ampleur, voire même l’existence de ces coupes.
«Petit caniche pas de dents»
«Est-ce qu’on fait le nécessaire pour protéger nos espèces en péril au Québec? Le constat est un gros «non» souligné», estime M. Blais. Il compare la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables à «un petit caniche pas de dents». Elle ne permettrait pas d’empêcher la destruction fréquente des habitats de nombreuses espèces sur des terrains privés.
De son côté, Mme Gallais se désole que le Québec ne se rapproche pratiquement pas de son objectif de donner le statut d’aire protégée à 12% du territoire en 2015. «On est rendu à un peu plus de 9% alors qu’on était à 8,35% en 2011. La création d’aires protégées est pourtant un outil indispensable pour protéger la biodiversité», a affirmé Mme Gallais.
*Légende