Un camionneur a fui ses responsabilités, selon un témoin
L’accident mortel provoqué par un bloc de glace détaché d’un poids lourd, le 26 décembre dernier, aurait pu être évité estime un automobiliste de Dunham qui a bien failli être au nombre des victimes. Convaincu que le conducteur de la remorque a été négligent, Robert Ducharme a pris en chasse celui-ci pour transmettre l’information aux policiers.
Bien malgré lui, le Dunhamien a été aux premières loges de ce tragique accident alors qu’il circulait sur le boulevard David-Bouchard en direction de Cowansville. Et sa vie a bien failli basculer.
«J’ai évité de justesse le véhicule de la dame en me déportant vers la droite. M. Corriveau, qui était derrière moi, n’a rien vu venir parce qu’il n’a même pas dévié. C’est une grosse collision frontale», a raconté l’homme, en entrevue avec GranbyExpress.com, le 31 décembre dernier.
Lorsqu’il a vu la plaque de glace quitter le camion, il a senti la rage monter en lui. «J’étais en colère à cause de la négligence de ce gars-là, dit-il. Quand j’ai vu qu’il y avait plein d’autos qui arrêtaient sur le site de l’accident, je me suis dit que la meilleure chose à faire, c’était de partir après le camion et de relever le numéro de plaque d’immatriculation, ce que j’ai fait.»
Robert Ducharme précise qu’il a mis peu de temps à rattraper le mastodonte immatriculé en Ontario qui roulait pourtant à vive allure. «Il y avait une voiture entre nous deux. Elle a tourné à droite à la première intersection. Ça m’a permis de prendre le camion en chasse parce que lui y clenchait. Il savait ce qu’il avait fait», croit le Dunhamien.
Le témoin raconte qu’avant la collision, le poids lourd roulait environ 85 km/h. «C’est lui qui ralentissait le trafic. Quand je l’ai rattrapé, il roulait à 120 km/h.»
Il a relevé le numéro de plaque d’immatriculation, le numéro de la remorque de même que le nom de l’entreprise. «Je n’ai pas de cellulaire. Je me suis dépêché d’aller chez moi à Dunham et j’ai envoyé un courriel à la police», ajoute-t-il.
Il devait d’ailleurs rencontrer l’enquêteur Christian Bonneau du Service de police de Granby le 7 janvier.
S’il a gardé son sang-froid, Robert Ducharme ne cache pas avoir songé qu’il aurait pu être impliqué dans cet accident. «J’y ai pensé, mais ce n’est pas le genre de réaction que j’ai habituellement. J’ai gardé la tête froide. Quand j’ai vu que M. Corriveau était décédé. Ça m’a mis en colère. C’est une négligence qui a causé la mort de quelqu’un. Ce sera au procureur et à la police s’il y a lieu de prendre les décisions qui s’imposent. Ce n’est pas à moi de dicter la conduite à personne.»
S’il laisse la justice faire son œuvre, il répète qu’il s’agit, selon lui, d’une négligence.
«Il aurait au moins pu vérifier le toit de sa remorque. On n’est jamais sûr tant qu’on n’est pas allé le voir. Vous avez une voiture, quand il y a de la glace ou de la neige sur votre toit, vous l’enlevez? C’est encore plus important pour eux», conclut-il.
Du côté du Service de police de Granby, le porte-parole Marc Farand précise que l’enquête est toujours en cours. «Le conducteur a été identifié. Il doit être rencontré dans les prochains jours, prochaines semaines.»
Si une négligence est à l’origine de cet accident, un procureur pourrait intenter des poursuites.
Rappelons que l’ex-président de l’UPA Centre-du-Québec, Jacques Corriveau, 63 ans, de Saint-Léonard-d’Aston, a perdu la vie, le 26 décembre dernier, après qu’il eut été frappé par une voiture qui venait en sens inverse. La conductrice de ce véhicule aurait tenté d’éviter un bloc de glace qui s’est détaché d’un poids lourd. La Granbyenne d’une soixantaine d’années a subi de graves blessures, mais on ne craint plus pour sa vie.
Frôler la mort
Le triste sort de Jacques Corriveau n’est pas sans rappeler l’histoire d’Alexia Richer qui a pu éviter de justesse un énorme morceau de glace qui a défoncé son pare-brise sur la route 235 à Ange-Gardien, en janvier 2012. Détaché du toit d’un poids lourd qui croisait sa route, le bloc est passé à quelques centimètres de sa tête. «J’ai vu le bloc de glace s’en venir. J’ai lâché le gaz, j’ai fermé les yeux, je me suis penchée et j’ai mis mes mains sur ma tête», racontait dans pages l’adolescente de Farnham.
Dans un bruit d’enfer, le bloc de glace a fracassé son pare-brise. «Il s’est ramassé à l’arrière de mon auto, tout éparpillé», enchaînait-elle. La jeune fille s’en est tirée avec une bonne frousse, une coupure superficielle à la tête, des égratignures aux mains et des courbatures.
Interrogé quelques jours après l’évènement, Simon Roy, professeur agrégé en droit pénal à l’Université de Sherbrooke, affirmait alors que pour considérer une négligence de la part du camionneur, il faut «que ça cause des lésions corporelles ou que ce soit mortel pour être considéré de la sorte.»
«Il faudrait se poser la question suivante: est-ce que le bloc de glace résulte du défaut de déblayer le camion? Si tel est le cas, est-ce que le défaut de le faire est négligent au point d’être criminel», poursuivait M. Roy.
Le Code de la sécurité routière du Québec prévoit sévit dans de pareils cas en vertu de l’article 498 qui stipule «qu’il est interdit à tout conducteur de laisser une matière quelconque se détacher du véhicule qu’il conduit.» La contravention s’élève à 100$ incluant les frais.
«L’article 498, c’est une des possibilités. Il y a aussi de la négligence en vertu du Code criminel et également une action imprudente en vertu du Code de la sécurité routière», conclut le policier Farand.
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