Filière batterie: Québec vante les bas salaires et Legault critique Ottawa
QUÉBEC — Investissement Québec vante la main-d’oeuvre bon marché pour inciter les entreprises de la filière batterie à s’installer ici.
Cela contraste avec le discours du premier ministre François Legault, qui dit vouloir attirer au Québec des entreprises qui paient les salaires les plus élevés à leurs travailleurs.
Des documents d’Investissement Québec obtenus par le Parti québécois (PQ) en vertu de la Loi d’accès à l’information font valoir que la main-d’œuvre québécoise est 14 % moins chère que la moyenne des États américains du Nord-Est.
Investissement Québec, qui est le bras financier du gouvernement, s’est toutefois défendu par la suite de mousser les bas salaires du Québec pour attirer des investisseurs comme Northvolt.
«On compare même les salaires poste par poste pour dire: ‘venez ici, vous allez payer les salaires moins cher’», a déploré le député péquiste Pascal Paradis à la période de questions jeudi.
Un des tableaux d’Investissement Québec, titré «A cost-advantage of nearly 30 % on salaries for battery manufacturing employer» est particulièrement révélateur, avec des écarts salariaux allant jusqu’à 47 000 $ en défaveur du Québec.
On y retrouve différentes catégories d’emploi, scientifique, ingénieur de production, ingénieur de batterie, analyste logistique, employé d’entretien, avec leur salaire médian, en illustrant à quel point ces travailleurs sont moins payés à Montréal qu’à Cleveland, San Francisco, Austin ou Detroit.
Par exemple, un scientifique spécialisé en batterie gagnerait donc un salaire médian de 74 000 $ à Montréal, mais de 121 000 $ à San Francisco ou de 94 600 $ à Reno.
De même, un ingénieur de production encaisse 64 300 $ par an à Montréal, mais 88 000 $ à Cleveland ou 103 500 $ à San Francisco.
L’ensemble du document promotionnel d’Investissement Québec, qui fait près d’une trentaine de pages, vise à démontrer, avec un grand nombre de données, que les coûts d’exploitation d’une usine de composantes de batterie sont inférieurs au Québec.
«Qu’est-ce que le premier ministre a à dire par rapport à ce qu’il nous prétend depuis des jours alors qu’il vend le ‘cheap labor’ (du Québec)?» a demandé M. Paradis.
Chose rare, c’est le premier ministre lui-même qui a répondu à la question du député plutôt que la ministre responsable, Christine Fréchette, alors que, habituellement, le chef ne répond qu’aux questions des autres chefs.
Trudeau favorise l’Ontario
François Legault s’est défendu en disant qu’il veut combler l’écart de richesse avec les autres provinces.
Mais il en a profité pour attaquer le gouvernement fédéral de Justin Trudeau qui, selon lui, a favorisé l’Ontario au détriment du Québec dans son soutien pour les investissements de la filière batterie.
«On n’a pas notre part parce que M. Trudeau (…) refuse de traiter équitablement le Québec», a-t-il fustigé, tout en reconnaissant du même souffle que dans le cas du projet de l’usine Northvolt en Montérégie, «l’essentiel de ce qui est investi dans Northvolt vient du gouvernement fédéral».
Réaction d’Investissement Québec
Dans un courriel, Investissement Québec a nié faire l’apologie des salaires inférieurs versés au Québec.
«Il s’agissait plutôt d’établir une comparaison factuelle entre le Québec et les autres lieux potentiels que Northvolt envisageait pour implanter son projet», a plaidé la conseillère Médias et affaires gouvernementales d’Investsissement Québec, Catherine Salvail.
«L’entreprise avait aussi demandé que nos experts leur présentent une comparaison des salaires pour des rôles clés dans le secteur de la batterie avec d’autres marchés concurrents, comme le nord-est des États-Unis ou de grandes villes actives dans ce secteur stratégique, peut-on lire. Les données sont factuelles et le reflet de la situation à ce moment.»
C’est une dure semaine pour la filière batterie au Québec. Un de ses fleurons, la suédoise Northvolt, est ébranlé par des difficultés financières.
Le ministre délégué à l’Économie, Christopher Skeete, a rencontré sur cet enjeu mercredi l’ambassadrice de Suède, Signe Fenja Burgstaller.
La société a dû réajuster son plan stratégique pour réduire ses coûts, en se concentrant uniquement sur la fabrication de cellules de batteries.
L’entreprise a assuré qu’elle «maintient ses engagements» pour la construction des trois autres grands projets, dont l’usine de cellules en Montérégie, mais qu’elle en dévoilera le nouvel échéancier plus tard cet automne.
Mardi, la ministre de l’Économie et de l’Énergie, Christine Fréchette, a laissé planer une menace visant l’entreprise. Le gouvernement pourrait lui retirer le bloc d’énergie promis de 354 mégawatts au bout d’un certain temps si le projet n’avance pas, considérant que beaucoup d’autres entreprises demandent des blocs d’approvisionnement en électricité.
Northvolt est un projet de 7 milliards $, dans lequel Québec et Ottawa s’engagent à investir 2,4 milliards $. Il comportait initialement trois volets, soit la fabrication de cellules, de cathodes et le recyclage de batteries.
Puisque l’on cesse les activités liées aux cathodes en Suède, cela soulève un doute sur le maintien de ces activités au Québec. Il faudra attendre les annonces de Northvolt, à l’automne, avant de connaître ses intentions face à cette activité ainsi que celle de recyclage.